Ils ne nous disent pas tout

Bien que la science médicale ait connu des avancées fulgurantes dans bon nombre de domaines, notamment en ce qui concerne le traitement des infections dont l’être humain est victime, les perceptions et représentations sociales des maladies et infections ont du mal à suivre le pas. Malencontreusement, certaines populations continuent d’être des victimes consentantes ou non de ces erreurs d’appréciation ou de jugement.

Deux histoires similaires…

  • Pendant l’internat

Je me rappelle de cette dame, la quarantaine, hospitalisée dans le service de Neurologie pendant mon internat de Médecine. Elle y était pour un accident vasculaire cérébral (Lire plus… AVC : Urgence). Conformément à la procédure diagnostique dans ce service, elle a bénéficié d’un bilan pour la recherche de cause de son AVC. Bilan qui incluait la sérologie du virus de l’immunodéficience humaine (VIH). A la réception des résultats, nous voilà devant une sérologie positive au VIH. Une infection par le VIH qui pourrait bien être la cause de son AVC. Toute l’équipe médicale réfléchissait à la manière de faire passer cette deuxième pilule, après son AVC déjà difficile à vivre. Mais grande fut notre surprise quand à l’annonce du résultat, elle nous fit comprendre qu’elle savait déjà.

Hummm… !!!

Paradoxalement, elle n’a signalé aucune infection du genre pendant l’interrogatoire et aucun médicament indiqué pour traiter une telle infection n’est mentionné dans son dossier médical au titre des médicaments pris habituellement.

Euh ! c’est quoi le topo…

C’est alors qu’elle nous raconta son histoire. Après la découverte de son infection par le VIH, elle a suivi le traitement approprié pendant un moment. Après quoi, elle a voulu essayer d’autre traitement. Moins de médicaments, mais plus de prière de guérison dans une congrégation religieuse. Quelque chose qui n’a visiblement pas donné le résultat escompté, si ce n’est qu’une complication (AVC) qui l’a conduit à l’hôpital.

Nous l’avons donc réintégré au centre de prise en charge (Centre de Traitement Ambulatoire ou CTA) pour son traitement et son suivi médical. Elle s’en est pas mal sortie en fin de compte.

  • A la clinique

Nous voilà à la clinique devant une dame hospitalisée, la soixantaine, mal au point avec d’important vertige, quelques épisodes de diarrhée et des lésions sur la peau au niveau du thorax de type Zona (dû au virus varicelle-zona). Nous avons voulu en savoir plus sur son statut sérologique au VIH, le cas échéant demander la sérologie du VIH.

>> À lire : J’ai une Infection !!!

C’est alors que l’une de ses filles nous fit comprendre qu’elle était séropositive depuis quelques années mais qu’elle n’a jamais accepté le diagnostic. Après maintes discussions, elle a suivi le traitement pendant un temps. Dès que sa charge virale (quantité de virus présent dans le sang circulant) est devenue indétectable, elle s’est dite guérie et a abandonné le médicament au profit des prières de guérison.

Astaghfirullah (« Safroulaye ») !!! Quelque chose qu’il ne faut jamais faire…

La voilà maintenant avec une complication, vascularite cérébrale (AVC). Autrement dire, une inflammation des vaisseaux sanguins du cerveau causée par l’infection.

Que retenir donc

  • Une fois que vous êtes déclaré (après confirmation) séropositif ou séropositive au VIH, malheureusement c’est pour toujours.
  • Vous devez prendre chaque matin un médicament appelé antirétroviral à vie.
  • Il n’existe pas encore de traitement alternatif.
  • Le médicament empêchera le VIH de se multiplier indéfiniment dans votre organisme, mais ne l’élimine pas totalement de votre organisme.
  • A charge virale indétectable (moins de 50 copies par millilitre de sang), cela veut dire que le traitement est arrivé à limiter au maximum la multiplication du VIH dans votre organisme. Ce qui est une grande victoire, puisque votre organisme contrôle le virus, et non l’inverse. Vous ne serez plus à la merci des Infections Opportunistes (infections qui profitent de la faiblesse de votre immunité causée par le VIH). Vous vivrez quasi normalement comme tout le monde.
  • Arrêter de prendre le médicament après une charge virale indétectable est une très mauvaise idée.
  • Vous devez maintenir votre charge virale indétectable tout le restant de votre vie.
  • Vous avez plus de (mal) chance de mourir des Infections Opportunistes que de l’infection par le VIH elle-même.
  • Vous n’êtes pas à l’abri d’un AVC (vascularite cérébrale) si l’infection par le VIH n’est pas maitrisée (charge virale indétectable).
  • Cachez votre statut sérologique positif au VIH à votre médecin traitant pourrait retarder certains diagnostics et traitements… Faites-lui confiance, il saura garder votre secret.

Un adage de chez nous (Bénin) dit qu’on ne cache pas sa nudité au médecin (sous réserve du consentement du patient, bien sûr !).

Dr. Mahunan

Epidémiologiste, D.E.S en Santé au Travail
« Mahunan » en langue nationale béninoise « Fon » est l’équivalent de « Dieu donné » en français. Je suis un médecin béninois titulaire d’un master 2 d’épidémiologie et interventions en santé publique, actuellement en spécialisation en sécurité et santé au travail. J'exerce à Cotonou (Bénin).

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